Ils magnifient les portes monumentales des médinas, les murs et les sols des palais et des mosquées, revêtent les hammams, fontaines et bassins d’ornement depuis des siècles. Leurs motifs géométriques et leurs assemblages de couleurs sont d’une complexité et d’une beauté fascinantes. Entrez dans le monde des zelliges, les mosaïques vernissées qui sont un trésor toujours bien vivant de l’artisanat du Maroc.
Le zellige marocain, une aventure quasi millénaire
Si la date d’apparition du zellige au Maghreb et en Andalousie reste floue (entre le VIIIe et le Xe siècle selon les régions), les historiens attribuent la diffusion de cet art de la mosaïque aux Romains et aux Byzantins dès l’Antiquité.
Mais c’est à la période médiévale, sous l’impulsion de la dynastie des Mérénides à Fès, que le zellige (de l’arabe « zelidj « , signifiant « petite pierre polie« ) se transforme en une passion marocaine qui a traversé les siècles sans jamais se démentir.
Bab Boujloud à Fès, la plus célèbre porte de la médina, datant du XIIe siècle
Aujourd’hui encore les villes de Fès et Meknès sont toujours au cœur de la production de zelliges, et les maîtres-artisans (les « maalems« ) perpétuent des gestes pluriséculaires, reproduisant à la perfection des motifs anciens aussi bien pour des chantiers de restauration que pour la création de décors contemporains.
Le Palais Faraj, restauré au début des années 2000, abrite ainsi de superbes exemples de zelliges traditionnels.
Une fabrication entièrement artisanale
Le zellige marocain fabriqué traditionnellement à Fès est un carreau d’argile blanche naturelle récoltée en gros blocs. Mélangée à de l’eau dans un bassin souvent creusé à même le sol de l’atelier afin d’en faire une pâte, elle est moulée en carrés de 10cm de côté, ou coupés en deux pour former des petits rectangles.
Crédit photos : salimafilali.com et beijmatstudio.com
Ces carreaux sont séchés au soleil pendant l’été avant d’être cuits à 1000 degrés dans un four à bois. Ils sont ensuite enduits à la main sur une seule face d’un émail coloré et cuits une seconde fois.
C’est leur fabrication manuelle, leur position dans le four et les variations de température de cuisson qui vont créer les infinies nuances de chaque carreau, leur conférant une beauté unique et tactile.
Le « zellige de Fès » a été enregistré auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) en 2015 au nom du Maroc et fait l’objet d’un label national attribué par le ministère de l’Artisanat.
La géométrie, une invitation à la spiritualité
Partant de carreaux tous identiques, les maalems vont tailler avec une « marteline » de petites pièces, les « tesselles », aux formes traditionnelles (carrés, rectangles, triangles, hexagones, étoiles, etc.) qui seront ensuite assemblées pour créer des motifs géométriques aux formats parfois gigantesques.
Difficulté supplémentaire, les mosaïques sont composées face colorée contre terre, demandant à l’artisan une très grande capacité d’abstraction et de mémorisation.
Crédit photo : beijmatstudio.com
Élaborés à partir de formules mathématiques et porteuses d’une symbolique ancienne, les décors harmonieux créés par les artisans s’opposent au chaos du monde et sont des hommages vibrants à la création divine, sa perfection, sa beauté, son unicité. Ces motifs se retrouvent d’ailleurs dans la plupart des arts décoratifs islamiques : bois sculpté, stuc, poterie…
Recommandations du Palais Faraj
Photo : intérieur de la mosquée Hassan II à Casablanca (Maroc)
Si la décoration du Palais Faraj rend hommage à la tradition du zellige, c’est également le Maroc tout entier qui est un véritable musée à ciel ouvert.
Conseils de visite à Fès autour du zellige :
▪ Les medersas Attarine (1325) et Bou Inanya (1357).
▪ Bab Boujloud (1913), célèbre porte de la médina, aux zelliges bleus d’un côté (couleur de Fès) et verts de l’autre (couleur de l’Islam).
▪ Fontaine Nejjarine du XVIIe siècle.
▪ Les sept portes du Palais Royal (créées en 1970)
Ailleurs au Maroc :
▪ La spectaculaire mosquée Hassan II à Casablanca, achevée en 1993 (photo à gauche).
▪ Le mausolée de Moulay Ismael à Meknès (1703).
▪ La kasbah de Telouet (XIXe siècle) dans le Haut-Atlas.